Les annonces pour les castings de films sont souvent relativement précises sur les profils recherchés. C’est normal puisque le but est justement de trouver un comédien qui corresponde physiquement à ce qui est écrit dans le scénario et qui puisse jouer les particularités du caractère du personnage.
Cependant, parfois les précisions apportées frisent le ridicule et peuvent même laisser transparaitre une vision bien étrange et clichée de certains profils. C’est le cas d’une annonce qui fait polémique sur les réseaux sociaux.
Clichés sur clichés
L’intro de l’annonce reste classique, rien de choquant. Elle précise simplement que 6 rôles sont recherchés : 1 principal pour 1 mois de tournage et 5 secondaires (nous n’en comptons que 4) pour 15 jours de tournage. Le tarif proposé est plutôt alléchant puisqu’il est de 400 € la journée. C’est une fois passée cette introduction que ça se gâte. La description des rôles recherchés n’est qu’une succession de clichés avec pour chacun un exemple bien précis d’acteur connu.
Premièrement, pour le rôle principal l’annonce cherche un homme blanc (« très clair » ?!) qui puisse dialoguer façon « racaille » en apportant l’exemple de JoeyStarr, mais également de façon bourgeoise en précisant qu’être né dans le 16ème est un plus. Apparemment seuls les gens du 16ème savent parler bourgeois, à quoi sert le métier de comédien et les dialogues écrits dans le scénario alors ?
Trois des personnages secondaires restent sur le même ton :
- « Mamadou, un homme de 25-30, agressif, comique sachant danser et faire des blagues de type afrique centrale-afrique du sud, surtout un noir (c.f Omar Sy, avoir habité en cité est un plus) »
- « Rachid, un homme de 18-25 ans, très vif, mince et un fin voleur, il doit savoir courir très vite et savoir parler avec un accent arabe, de type maghrébin, des traits arabes (c.f Tahar Rahim) »
- « Fatima, une femme de 18-25 ans, musulmane, d’une grande beauté et un physique de rêve, prostituée à ses heures perdues, type maghrébin avec de forts traits arabes (c.f Sabrina Ouazani) »
Sans commentaire…
Un fake ?
Cela parait tellement aberrant comme annonce qu’on pense immédiatement au fake. Elle est apparue dans une newsletter de Cineaste.org et Twitter s’en est rapidement accaparé. L’annonceur a peut-être imaginé un poisson d’avril avant l’heure. Ca risque surtout de devenir un poisson pas frais d’avril. Bref, fake ou pas, pas facile de le savoir quand on sait que tout est possible sur internet.
Edit, d’après @PremiereFR c’était en effet un canular pour dénoncer le racisme …
L'annonce de casting raciste était fausse et voulait dénoncer les clichés http://t.co/ieBKjQlThd pic.twitter.com/cIj9njxIZ5
— Première (@PremiereFR) 31 Mars 2015
Ce qui est amusant, c’est d’imaginer une idée de scénario reprenant les personnages cités dans l’annonce.
Voici ma version, pleine de clichés bien sûr :
Henri (le rôle principal), issu d’une famille bourgeoise de Neuilly, mais désirant une autre vie que celle qui lui est toute tracée (reprise de l’entreprise de papa), souhaite devenir un gangster et se met donc à apprendre à parler « comme une racaille », car comme tout le monde le sait c’est essentiel pour le métier de truand… Triste et seul, il s’en va un soir retrouver une prostituée dans le bois de Boulogne. Là, il fait la rencontre de Fatima qui lui explique qu’elle fait ça « à ses heures perdues ».
– Il répond : « J’me présente je m’appelle Henri »
– Elle rétorque : « J’aime bien tes manies de star »
Il tombe immédiatement amoureux de la prostituée à temps partiel, mais celle-ci est également courtisée par Rachid qui est si mince qu’il peut se faufiler sous les portes des maisons qu’il vole à la recherche de la dernière compilation de Salvatore Adamo qu’il souhaite offrir à Fatima.
Henri va donc demander conseil auprès de son ami Mamadou relativement agressif puisqu’il ne peut s’empêcher de saluer Henri en lui foutant un Yoko-Geri en pleine face. Alors que les deux amis marchent dans la rue, Mamadou se met à danser tout en foutant des Jodan-Zuki et des Nagashi-Geri aux passants, comme à son habitude. Afin qu’Henri puisse conquérir la belle Fatima, Mamadou lui fournit ses meilleures blagues africaines. Le lendemain Henri court donc rejoindre Fatima en haut de l’une des plus hautes tours de la Défense, car à côté de son passe-temps de prostituée, elle occupe le poste de PDG de l’une des plus grandes banques françaises.
Alors qu’Henri fait irruption dans le bureau, Rachid sort du luminaire derrière lequel il était caché tellement il est mince. Comme il est également vif, il slalome entre Henri et l’ours polaire empaillé situé au milieu de la pièce, pour rejoindre Fatima et parcourir les 100 mètres (bureau de PDG oblige) qui le séparaient d’elle en seulement 8 secondes, mieux qu’Usain Bolt ! Ayant atteint Fatima avant Henri, il offre à celle-ci la compil d’Adamo qu’il a enfin réussi à dérober chez monsieur et madame Ker Berzerec habitant près de St-Brieuc en Bretagne. Aussitôt, voyant le visage de Fatima illuminé par Rachid et son présent, passé tout près de sa future, Henri se lance dans une blague africaine de son ami Mamadou en alternant entre langage « ghetto noir » et dialecte bourgeois.
Confiant du résultat qui devrait lui permettre de prendre la place du vil voleur, Henri est d’autant plus choqué lorsqu’il reçoit un Mae-Geri de la part de Fatima qui l’envoie directement au premier étage de l’immense immeuble. Le malheureux n’avait pas conscience que les blagues de Mamadou sont de type « Afrique centrale-Afrique du sud » alors que la délicieuse Fatima est originaire du Maghreb et donc d’Afrique du nord. Se relevant, Henri s’aperçoit que sa chute a été amortie par François, « intelligent, beau et riche, héritier d’une grande fortune » d’une famille s’étant enrichie grâce à la création de fonds verts pour le cinéma et en ayant eu le génie d’innover avec les premiers fonds bleus.
François, qui ressemblait étrangement à Pierre Niney, décède sur le coup écrasé par Henri salvateur, puisque François venait de découvrir la pub de Gad Elmaleh pour le LCL. Choqué, il avait décidé de se rendre dans le siège social de la banque situé le plus près et faire exploser le bâtiment. Désormais son visage ressemble plus à un mélange entre Susan Boyle, les frères Bogdanoff et une huitre.
Finalement, Henri, déçu de n’avoir pu conquérir le cœur de Fatima et son « corps de rêve », se voit offrir l’héritage destiné à François. Les parents de ce dernier souhaitant remercier Henri pour son geste, car ils détenaient le plus gros de leur fortune dans la banque dont Fatima est le PDG et qui a donc frôlé la catastrophe à cause de François sous le choque après avoir vu la pub de Gad Elmaleh pour une autre banque. Vous suivez toujours ?
Henri prend donc la direction de la production des fonds bleus, tandis que Fatima abandonne son poste de PDG et se lance avec Rachid dans une tournée à travers la France en tant que duo de faux sosies de Salvatore Adamo version orientale. Mamadou devient le précurseur d’un nouvel art qui consiste à débiter des blagues africaines, en dansant et en se foutant des claques dont le rythme doit suivre celui des pas de danse.